mercredi 1 février 2017

HAMIHAN ET HABAGAT ! MÉTÉO PHILIPPINE

Amihan et Habagat

Je trouve étonnant que, sur de nombreux sites consacrés aux Philippines, l’on continue à vous expliquer que l’archipel est soumis à deux saisons, la saison sèche et la saison des pluies.
Une saison sèche qui commencerait au mois de novembre pour se terminer en avril et une saison humide, ou saison des pluies, qui débuterait au mois de mai et qui se terminerait en octobre.

Je trouve cela un peu simpliste.

En fait, il existe quatre différents types de climats au pays des 7.107 îles, ainsi que de très nombreux micro climats. Par exemple, durant la saison des pluies, il pleut nettement moins à Ternate qu’à Manille… et pourtant nous ne sommes qu’à une cinquantaine de kilomètres dans le Sud-ouest de la capitale.

Sur mon blog « Expat aux Philippines », je donne plus d’information au sujet de ces quatre principaux types de climats.


Amihan et ITCZ

Je vous donne un exemple.
Vous souhaitez faire du surf à Sirgao, vous arrivez début janvier et là… surprise, il n’arrête pas de pleuvoir, un véritable temps de Normandie, mais en pire ; j’aurais presque tendance à dire ‘’Empire’’, l’empire de la pluie. Le mois de janvier est le mois le plus pluvieux de Surigao Del Norte avec des précipitations moyennes de 583 mm et vingt-cinq jours de pluie sur les trente et un que compte ce mois.

Oui, sur Manille et plus en général de central Luzon jusqu’au Nord de l’île principale, la façade ouest est soumise au régime des deux saisons. Plus ou moins sec, avec des vents de prédominance Nord-est, du mois de novembre au mois d’avril et une saison des pluies qui va commencer en mai pour se terminer en octobre. Mais, de la mi-décembre à début février, c’est l’hiver dans cette partie de l’archipel. Les températures peuvent descendre à dix-huit degrés Celsius au petit matin, parfois moins. Néanmoins, les journées connaissent des températures qui varient entre vingt-huit et trente-deux, toujours en degrés Celsius.

Cette période (Amihan), non pas froide, mais plus fraîche, est souvent accompagnée de vents forts et de petites pluies. Une queue de front froid, descendue du Nord-est, nous apporte des nuages d’altitude et des précipitations du genre bruine, voire crachin.

Amihan avecqueue de front froid sur Nord Luzon

De fin la mi-février à la mi-mai, c’est l’été philippin, trois mois qui peuvent être très secs, sans une goutte d’eau parfois et les températures peuvent dépasser les trente-cinq degrés. Néanmoins, depuis quelques années, de petites pluies orageuses surviennent durant cette période.

Ce qui peut surprendre, c’est qu’en  l’espace de quelques semaines, nous passons de l’hiver au plein été sur l’archipel du sourire.

Si la saison des pluies (Habagat) est censée commencer à la fin mai, voire au début du mois de juin, nous constatons ces dernières années un léger décalage, elle semble vouloir débuter à la mi-juillet.

La saison des typhons, qui se situe durant la saison des pluies, semble elle aussi décalée ; nous avons eu un violent typhon au mois de décembre dernier. 

Le mois de juillet et le début du mois d’août 2016 ont été particulièrement pourris, avec près de trois semaines de pluies violentes sans discontinuer. Ce qui n’a pas manqué de provoquer des inondations dans Manille, mais ceci n’est pas nouveau. 

Habagat

L’on a souvent tendance à accuser les squatters qui construisent le long des cours d’eau, les détritus déversés par les habitants dans les canaux de Manille et le bétonnage, d’être les responsables des inondations récurrentes de la capitale philippine. C’est certain que cela n’arrange pas la situation, mais il faudra m’explique pourquoi il y avait déjà des inondations dans les années 1850 ?

Alors que les cours d’eau étaient à ciel ouvert, que les squatters n’existaient pas et que les ordures ménagères étaient systématiquement brûlées.

Ce sont deux illustrations de Charles  Wirgman, illustrateur d’un journal londonien, qui me l’ont confirmé. Il dépeint comment les gens faisaient face à une rue de Manille inondée et ce en 1857 !

Les hommes roulaient leurs pantalons, les femmes arrachaient leurs jupes et les parapluies étaient ouverts. Dans la partie où la rue s’était transformée en rivière, les gens passaient directement de la calèche à la Bangka.


Illustration de Charles Wirgman (1857)

Les peintres philippins ont également largement utilisé le thème de l’Habagat dans des œuvres charmantes, mais peu connues. Par exemple celle d’un homme avec de l’eau jusqu’à la ceinture, lors d’une inondation à Manille en 1919, par Fabian de la Rosa. 

Fernando Amorsolo, peintre du soleil philippin, des champs de riz, des danses et des jeunes filles sensuelles, a également utilisé le thème de l’Habagat. Dans un de ses tableaux l’on voit une femme marchant contre le vent et la pluie, en arrière plan se dresse le monument de Legazpi-Urdaneta.

Dans une de ses compositions, le Dr. Toribio Herrera, dans une scène plus violente, représente une femme sous la tempête, essayant de remettre en place son parapluie retourné par le vent.

Peinture de Fabian de la Rosa (1919)

L’Habagat, ou mousson du Sud-ouest, donne un vent qui apporte de fortes précipitations, ce qui provoque de nombreuses inondations durant la saison des pluies. Amihan, ou la mousson du Nord-est, est le vent qui apporte de l’air froid sur la partie nord et centrale de l’archipel de la période de Noël à la mi-février.

En fait, Amihan et Amagat sont connus depuis fort  longtemps et nous les appelons les Alizés, ou Trade Winds en anglais, les vents du commerce.

Ces vents sont connus depuis des siècles et les commerçants chinois les utilisaient dès le neuvième siècle, pour le commerce et plus spécialement pour le commerce de la porcelaine.
Les jonques chinoises, chargées de porcelaines, venues du Guandong et du Fujian, naviguaient vers les Philippines et l’Indonésie vers le mois de mars. Elles s’en retournaient, chargées de miel, d’épices et d’or, vers le mois de juin durant le début de l’Habagat.

Les Espagnols, avec un peu de retard, ont également appris à utiliser ces vents, ceci à partir de la fin du seizième siècle. Voir à ce sujet mon billet sur les Galions de Manille :

Le gouverneur général des Philippines, Francisco Sande, écrivait un rapport au roi Philippe II en 1576, rapport qui peut se lire ainsi : 

« Il y a deux principales saisons aux Philippines ; la saison sèche, quand les ‘’Brisas’’ comme on les appelle, soufflent du Sud-est au Nord, pour finalement souffler directement du Nord ; tandis que durant l’autre saison, ou saison humide, les ‘’Vendavales’’ soufflent du Nord-ouest au Sud-ouest. Ainsi, l’on peut constater que, durant ces deux saisons, les vents soufflent de tous les points de la boussole ».


Amihan et Habagat

« En provenance de Nueva España (la Nouvelle Espagne, le Mexique de nos jours), donc de l’Est en direction de cette région occidentale, les Brisas vont aider le navire, tandis que les Vendavales, surtout l’habituel, celui qui souffle du Sud-ouest dans les canaux de ces îles, va empêcher le navire d’avancer ».

« Il est clair et évident qu’à partir de la fin mai et ce jusqu’au milieu de juin, le Vendaval commence ici à partir de l’Ouest et souffle fortement nuit et jour ». Je précise que le gouverneur général se trouvait à Manille.

« Maintenant, si pour quelque raison il devait cesser un moment, ce ne serait que pour éclater de nouveau avec une vigueur renouvelée. Une telle période de calme est appelée ici ‘’Calladas’’ (silence) ».
« Entre ces deux principales saisons, il en existe deux autres, que l’on nomme ‘’Bonanza’’ (vents doux) qui durent de mi-mars à fin mai et partie des mois de septembre et d’octobre ».

Ceux de ma génération se souviennent très certainement de Bonanza comme d'une série TV américaine au sujet de cowboys dans le Far West…mais il y avait également un restaurant à thème sur EDSA qui portait ce nom. 

Galeon de Manila

L’histoire enrichit notre vocabulaire et nous fait mieux comprendre les choses, en nous parlant de vents doux entre la saison froide et la saison des pluies par exemple. L’histoire nous parle des inondations récentes, mais nous rappelle également des inondations un peu plus anciennes, comme celles survenues lors des passages des typhons Milenyo et Ondoy. Mais, en effectuant quelques recherches, il est possible de remonter dans le temps, bien au-delà de notre mémoire, au seizième siècle.

L’histoire nous montre comment les Philippins faisaient face aux désastres et combien leurs réactions sont toujours profondément enracinées dans leur culture. Les Philippins d’avant la colonisation espagnole, tout comme la majorité des peuples de l’Asie du Sud-est, ne construisaient-ils pas leurs habitations sur pilotis ?

Cela pour se garder au sec et se protéger des animaux sauvages. Quand les Espagnols sont arrivés, ils ont apporté avec eux un autre type d’architecture, mais le bahay kubo, de nos jours, est toujours au-dessus du sol. Même le bahay-nabato garde le propriétaire et ses biens à l’abri des inondations à l’étage supérieur.

Les Espagnols ont introduit la roue, les routes et les ponts pour relier les terres séparées par l’eau.
Mais le peuple philippin n’avait pas besoin de routes ni de ponts, l’eau était ses routes et ses ponts.
Des noms comme Tausug (ou tau veut dire les gens et sug la mer), le peuple de la mer ; ou Tagalog qui vient de Tag-ilog, le peuple de la rivière, nous montrent que ces peuples étaient les peuples de l’eau.


En pleine tempête

De nombreux endroits évoquent également l’eau, soit de la mer, soit des rivières.
Par exemple Cebu vient de sugbu qui se traduit par eau peu profonde ou Pampanga, qui vient de Pampang et qui se traduit par berge de rivière.

L’histoire ne se limite pas à la lecture de quelques vieux livres et documents et les inondations peuvent être lues comme des leçons d’histoire.

La connaissance des vents n’a plus de nos jours la même importance qu’elle en avait du temps de la marine à voile. Néanmoins, pour celui qui souhaiterait venir passer des vacances sur l’archipel, un minimum de connaissance sur le temps qu’il pourrait faire sur son lieu de villégiature, à une certaine période de l’année, pourrait être de quelque utilité. 

Cela fait trois nuits que, régulièrement vers deux heures du matin, nous recevons une grosse ondée qui dure entre une et deux heures.

Je vous souhaite une xcellente fin de semaine et à bientôt au pays des 7.107 îles. 


Expériences, avis, critiques et commentaires, comme d’habitude sont les bienvenus.


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