La troisième et dernière partie du voyage de Lucien et Ruth sur cette province de Camarines Sur.
Premier véritable contact de Lucien avec la vie dans une province parfois difficile d'accès.
Il découvre principalement la vie simple des gens de la campagne, des gens qui pratiquement vivent en otarcie.
Les choses sont en train de changer avec la télévision qui trône dans pratiquement tous les foyers. Et surtout les téléphones portables, de plus en plus évolués, qui désormais accaparent la vie des plus jeunes en les sortant de leur isolement et en les connectant au reste du monde.
Comme je n'ai pas pu faire de photos, je propose à Ruth d'aller faire un tour dans le village.
Elle est d'accord. Mais quand nous nous apprêtons à sortir, j'ai la surprise de voir la tante et l'oncle venir avec nous ainsi que Jack Lynn, la petite soeur. Cela m'ennuie car je ne serai pas à mon aise pour prendre les images que j'ai envie, discrétion et respect obligent.
Une petite précision en passant, je n'ai pas pris de photos de la famille ni de la maison pour des raisons à la fois de respect et d'éthique. J'étais invité chez des gens et je n'étais pas au zoo....Je mens un tout petit peu. J'ai pris à la sauvette l'oncle de dos à côté de Ruth lors d'une pose dans le sentier. ....CQFD.
On emprunte très vite un sentier qui nous conduit vers un plateau, le paysage est superbe dans cette campagne philippine. Des montagnes en toile de fond, des forêts, des cocotiers, des palmiers, des champs de maïs, des rizières jalonnent le parcours.
Nous croisons un paysan qui s'en revient de son labeur avec un carabao. Attention, à ne pas confondre avec un buffle d'Afrique même s'il y a une ressemblance évidente. Le carabao est un buffle d'eau asiatique au gabarit plus petit que son "homologue" africain et utilisé comme aide au transport ou dans les labours par les paysans.
J'ai la suprise de constater que la tante, cigarette au bec et l'oncle marchent d'un pas alerte dans cette montée au plateau, physiquement ils semblent frêles mais ils sont quand même endurants.
Arrivés au sommet, on peut contempler la montagne où des nuages brumeux s'accrochent .
Ruth me signale une petite rizière au loin. C'est là qu'elle est née et il y avait une petite maison dans le temps. Il ne subsiste plus rien aujourd'hui. Et il y a quarante ans d'ici, tout le plateau supérieur appartenait à un riche fermier qui y avait installé son "hacienda", espèce de grande propriété foncière style "ranch". Je soupçonne que la vie y a été dure.
N'ayant jamais connu son père, les années qui suivirent ont dû être rudes pour elle et sa mère. Ruth me raconte que quand elle avait 12 ou 13 ans, elle devait faire le chemin à pied pour aller à l'école supérieure à Goa. Plusieurs kilomètres à pied et ensuite un jeepney pour la deuxième partie du trajet et quand il faisait sombre, pour le retour, elle pleurait de peur parfois, toute seule sur la route et le sentier pour rentrer à la maison.
Après moult photos, nous redescendons en empruntant un autre sentier. Une petite rivière serpente dans le vallon où une jeune femme lave du linge, accompagnée de son enfant. Je n'ose pas prendre une photo, cela ne se fait pas, le respect des gens l'exige. A un moment, l'oncle nous quitte..... Peut-être pas aussi endurant que cela, finalement. Mais la tante continue, elle semble avoir bon pied bon oeil.
Nous pénétrons à nouveau dans le village et la tante nous montre un nouveau système de filtration des eaux que la commune a obtenu depuis 2 ans grâce à des subsides gouvernementaux et danois. De gros réservoirs et une petite centrale constituent l'ensemble du système.
Je suis un peu surpris de voir cette construction technique dans un coin aussi perdu, mais tant mieux pour eux si la qualité de l'eau au robinet est de qualité supérieure. J'essaie de faire des photos de quelques maisons mais souvent je dois y renoncer car il y a souvent quelqu'un à l'extérieur. Comme je l'ai dit..... je ne suis pas au zoo. Lorsqu'on circule dans le village quadrillé de petites ruelles, c'est très feuillu et les maisons sont souvent partiellement cachées. Cela donne un charme supplémentaire au village.
Revenus à la maison, tout le monde se remet devant le petit écran, ce sont maintenant des jeux télévisés dans le genre "roue de la fortune". Cela plaît beaucoup apparemment.
Explication historique : Les philippins ont été sous domination espagnole pendant 3 siècles jusque fin des années 1890. C'est pourquoi ils ont souvent des noms à consonnance espagnole et que le tagalog, langue nationale, emprunte également pas mal de mots à la langue du pays de Don Quichotte ainsi qu'à l'anglais pour ce qui est du tagalog dit "moderne". Sur les bâtiments historiques on y voit encore des inscriptions en espagnol ainsi que le nom des rues.
C'est pourquoi les Philippins sont à 85% catholiques ( Manille à plus de 90% ), les seuls en Asie avec l'île de Timor à pratiquer cette religion. Vers la fin des années 1890, l'Espagne est en guerre contre les Etats-Unis. Elle sort perdante du conflit et à titre de dettes de guerre, rétrocède les Philippines aux Américains. S'ensuivra une autre guerre oubliée, la résistance armée des Philippins contre les USA.
Le conflit qui se meut petit à petit en guérilla dans les dernières années fera presque 1 million de victimes philippines et se terminera en 1913. Mais les Etats-Unis vont administrer le pays durant 50 ans, de 1896 à 1946. A partir de là, les Philippines obtiennent leur indépendance, indépendance politique qui est restée néanmoins, jusqu'à nos jours, sous influence américaine même si on commence à voir apparaître la Chine comme nouveau "concurrent" partenaire.
Si je raconte cela, c'est pour la compréhension de ce pays qui a été longuement dirigé dans la voie de ce qui est appellé l' "american way of life" ( système de vie à l'américaine ) ainsi que par sa religion, héritage incontestable des espagnols.
Je le rappelle, les Philippins sont les moins asiatiques d'Asie mais en sont les "brésiliens". Ils ont ce côté "grands enfants" à l'américaine et la capitalisme pur et dur règne en maître ici. Ce mélange d'origine asiatique avec cette propension à une vie occidentalisée est la caractéristique de ce pays. Ici, on ne voit pas de costumes traditionnels sauf quelques tribus dans certains massifs montagneux et qui représentent probablement moins de 1% de la population.
Tout le monde se promène en jeans, pantalons ou robes, t-shirts ou shorts. La seule petite différence, ce sont les tongues ( slaches ) au pieds qui sont largement majoritaires comme chaussures. A noter que la classe moyenne est le plus souvent équipée de chaussures à l'occidentale.
Tout cela pour dire et expliquer la tendance à ne pas trop parler de politique et surtout penser à s'amuser pour oublier aussi les tracas et les difficultés de la vie quotidienne. On en revient à cette influence américaine à la télé avec toutes ces séries et jeux télévisés entrecoupés d'insupportables et longues publicités et leurs goûts prononcés pour la danse et la chanson.
Sans vouloir médire ou être désobligeant, j'ai l'impression que c'est une nation asiatique qui a un peu perdu son âme originelle à cause de cette colonisation espagnole de 3 siècles, des 50 ans de tutelle américaine et des 40 ans du régime Marcos. D'ailleurs je l'ai demandé à Ruth si c'était vrai quand on disait qu'ils étaient les "moins" asiatiques d'Asie.
Elle m'a répondu par l'affirmative sans sourciller. Attention tout de même à ce que l'on dit, les Philippins sont fiers de leur pays, sans doute un des plus beaux du monde. J'ai déjà eu involontairement quelques "prises de bec" à ce sujet avec Ruth, quand il s'agit de leur pays, ils peuvent être parfois susceptibles. Par contre, ils sont capables de le critiquer et se laisser aller aux confidences mais il faut que cela viennent d'eux, pas d'un étranger. Cela me paraît logique.
Il n'est pas encore 11 heures et je demande à Ruth si elle ne veut pas aller jusqu'au centre du village près de l'école et de la rivière, c'est un joli coin que je voudrais photographier. C'est d'accord et la petite Jack Lynn nous accompagne. L'oncle, lui, ne bronche pas. Tandis que la tante dort dans le hamac. Sans doute le contrecoup de la marche du matin.
On arrive très vite dans une rue qui donne sur la campagne avec des petites rizières en terrasses et toujours la montagne à l'arrière-plan et on peut même deviner l'océan Pacifique au loin. Une campagne toujours aussi belle....
Puis nous descendons vers le bas du village où coule une rivière à l'allure sauvage. Le coin est très joli, digne d'un tableau de peintre. Je fais remarquer à Ruth que l'environnement dans son village est assez exceptionnel. Elle acquiesce tout en me disant qu'ici il n'y a pas beaucoup de travail. Hé oui.... Quand je disais qu'ils ont un esprit parfois très pratique en dehors de toute considération rêveuse...
Elle me confie que Jack Lynn lui a demandé ce qu'elle mangeait à Manille. Ruth a dû lui répondre : viande de poulet, porc ou de boeuf, parfois des frites et la possibilité d'aller dans les fast food pour diner ou souper en ville. La petite lui a répondu qu'elle en avait de la chance, ici au village c'est tous les jours du riz ( ou du maïs ) à volonté et des légumes et très peu de viande.
Ruth me regarde étrangement. Je ne dis rien mais je suppose que cela lui fait un peu de mal de laisser ses soeurs avoir la vie qu'elle a eu elle aussi en son temps. Même si les conditions ne sont plus comparables. Les petites ayant quand même de l'aide extérieure pour des suppléments en nourriture et autres babioles.
D'ailleurs, elles ont reçu toutes les deux un portable que Ruth leur a offert. Bon, soyons clair, en réalité c'est moi qui les ai payés, une promo "saint valentin" à Monumento il y a 8 jours : 2 portables avec carte sim et carte de mémoire en prime pour seulement 1200 pesos ( 24 euros ). C'était une aubaine. J'aurais peut-être dû en prendre un.................pour moi.
N'empêche, cela doit un peu remuer dans la tête de Ruth. Dans ces moments-là, parler ne sert à rien. Je tente de la consoler d'un regard solidaire. Je jette un coup d'oeil en arrière, Jacquelinne s'amuse en écoutant des chansons avec ledit portable . J'ai un peu pitié pour cette petite jeune fille grâcieuse. Et je comprend maintenant pourquoi Ruth a souvent une aversion contre la plupart des légumes.
Lorsque nous rentrons, l'électricité vient d'être coupée à nouveau au grand dam des intéressés. Je dis à Ruth que d'après moi, le bingo ne va pas tarder. Elle me répond avec un sourire "probably" ( pas besoin de traduire hein ). Et ce qui était prédit, arriva.
Vingt minutes plus tard, les enfants apportent la vieille nappe en osier toujours aussi trouée avec les mêmes cartes numérotées défraîchies et les petites pierres.... Je remarque aussi que certains enfants ont le derrière à l'air et le zizi à l'exception des petites filles. Un zeste de pudeur religieuse sans doute. J'avais pas remarqué la veille. Peut-être qu'on se sent plus à l'aise avec l'étranger aujourd'hui et que les habitudes reprennent leur cours.
Et effectivement l'ambiance est bonne. Quand je croise le regard de quelqu'un c'est souvent un sourire. Rebelotte pour une Malboro à Anthony et à l'oncle. Tandis que la tante se lâche complètement, elle a sorti un sein qu'elle donne au petit Nonoï, le petit de la cousinne Arlynn. Nonoï n'en demandait pas tant, il tête goulûment. Je suis quand même un peu surpris de la scène avec cette femme d'âge mur. Je ne regarde pas trop dans leur direction. Dans ces cas-là, je préfère être discret...
Le petit Nonoï, il est marrant. Il me regarde toujours avec un air étonné mais en esquissant un légér sourire tandis qu'avec Ruth, c'est pas possible. Il ne peut pas la blairer. Elle a beau tenter d'y faire, il la repousse, crie ou pleure. Ben oui, les atomes crochus ça s'imposent pas, c'est inné... héhé. D'ailleurs, presque tous les enfants sont attirés par moi, moins par Ruth.
Mon physique doit y aider un peu. Je ne suis pas un grand blond aux yeux bleus style brithish ou scandinave même s'ils perçoivent manifestement des petites différences. Et tous les membres de la famille l'ont remarqué et en ont bien ri aux dépens de Ruth. Mais elle prend la "chose" avec philosophie et finit même par en rire aussi.
On mange un morceau ( riz, légumes et poulet de la veille ) tandis que les autres, une bonne dizaine, s'activent dans la partie. Tiens, le cousin négroïde, je ne connais pas son nom, vient d'arriver et se sert dans la grande casserole. J'ai droit à son bonjour. Je ne le vois pas manger car nous sommes dans le fond et dos aux autres mais je suis sûr que c'est avec les doigts....
Je parierais bien un gros billet là-dessus. Et puis les habitudes se prennent aisément, la confiance aidant. Après le repas, le cousin ( celui qui mange avec ses gros doigts ) me réclame une cigarette. A mon avis, il les trouve "bonnes" les Malboro. Je peux pas lui donner tort, j'ai goûté aux "gouvernementales", elles sont infectes.
J'apprend aussi que les hommes ici font des petits boulots chez des petits fermiers pour survivre. Ainsi l'oncle travaille 3 mois par an dans les rizières et d'autres petites périodes pour le maïs ou la cueillette. C'est la même chose pour tous ici. Ce sont des travailleurs saisonniers qui louent leurs bras et leur sueur.
Cela me fait tout à coup penser aux "Raisins de la colère" de John Steinbeck, avec le côté itinérance et voiture en moins. Un avantage tout de même de la campagne, comme le secteur public "soins de de santé" n'est pas débordé par une trop grande affluence, il est aisé de se soigner à bas coût pour les petites maladies et certaines prestations sont gratuites. C'est pas le cas à Manille aux dires de Ruth.
C'est pas tout ça mais Ruth veut repartir en fin d'après-midi et nous allons dans la chambre faire nos sacs. J'examine à nouveau les lieux. L'électricité, c'est quelque chose. Y a plein de fils qui pendent avec des rallonges un peu partout. Bon, c'est pratique et vite fait mais attention quand même aux incendies; Incendies qui se multiplient à Manille souvent dans les quartiers populaires, à partir de la fin mars, car les "clims" et les "aircons" sont fortement sollicités par le début de l'été avec des connexions électriques défectueuses et moult raccords directs en piratage de la part de certains citoyens désargentés.
C'est là tout le problème du manque de sous. Ruth en profite pour demander à quelle heure est le bus de Goa à Naga City. S'ensuit tout un palabre interminable où tout le monde donne son avis. Moi je retourne dans la chambre ranger mes dernières affaires. Ruth m'y rejoins et me demande si je ne peux pas lui prêter 3000 pesos ( 60 euros ) car elle aimerait laisser un peu d'argent pour ses 2 soeurs.
Pas de problème mais je doute du "return". Mais je suis habitué ..........et ce ne sont pas des sommes astronomiques. Aucun souci.
Nous revenons dans la pièce principale et tout le monde joue sans trop s'inquiéter de nous. Serions-nous devenus des spectres invisibles ? Assez "drôle" comme situation. J'en viens même à craindre que nous allons partir dans l'anonymat. Je commence à ressentir un malaise. Et Ruth n'y tenant plus, élève la voix en disant en tagalog, enfin je suppose car je ne comprend pas cette langue "Nous partons !".
Et là, le miracle s'accomplit. Tout le monde s'arrête de jouer et nous avons droit à toute l'attention requise. Anthony, clopin clopant, se propose de prendre le sac de Ruth. Je dis au revoir à tout le monde sans oublier de serrer la main de l'oncle. La poignée de main est franche et chaleureuse. Et nous sortons dehors accompagné de la tante, d'Anthony, de 2 petites voisines et des 2 soeurs Jack Lynn et Lilynn. Manque au rendez-vous la petite qui me souriait tout le temps avec des clins d'oeil, j'aurais tant voulu lui dire au revoir, elle était si gentille et mignonne.
Tout ce beau monde nous accompagne jusqu'à un arrêt de bus qui est situé à 200 mètres et où nous pourrons prendre un tricycle. Ruth sourit en plaisantant que nous avons avec nous nos "bodyguards". Il fait assez beau maintenant avec un zeste de chaleur. Nous attendons tous une petite vingtaine de minutes et puis un tricycle mal en point, toussotant et fumant, conducteur y compris, s'arrête.
Cela fera quand même l'affaire pour descendre à Goa. Et aussitôt on s'engouffre sous le petit toit.
Je suis un peu étonné, il n'y a pas eu d'embrassades ou des gestes de fraternité avec Ruth, seulement un petit signe de la main discret en guise d'au revoir. Le tricycle démarre et j'agite la main. Mon dernier regard croise celui de la petite Jack Lynn. Elle me sourit et lève la main. Je pense qu'elle commençait à m'apprécier.
Au revoir ...........Jack Lynn.
Dans le tricycle cahotant et vombrissant sur cette route au revêtement toujours aussi abominable, j'éprouve comme un regret de les quitter, peut-être même une petite pointe de tristesse. Sans doute que c'est ici, dans ce village, dans cette famille, que j'ai approché un peu l'authenticité de la vie philippine. Et cela me remue un peu. A mes côtés, Ruth imperturbable, ne pipe mot.
Elle semble placide et indifférente. Mais je suis sûr que quelque part en dessous de cette chevelure sombre et derrière ces yeux noirs, des sentiments doivent s'agiter et s'entremêler. Mais elle ne fera rien pour le montrer.
L'acceptation de l'existence et surtout de l'évidence, c'est un peu cela aussi, l'âme philippine.
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